La possibilité du jour
de Emilie Houssa
Aurore est une jeune femme qui a de l’ambition et une grande envie de vivre. Elle vit dans la Nice de l’après-guerre, dans une famille de la haute bourgeoisie. Son destin est déjà écrit, elle n’a pas trop de marge de manouvre, pas beaucoup de place pour ses rêves non plus : elle sera la femme de quelqu’un, une mère, elle s’occupera de la maison, des hommes qui l’habiteront, elle fera peut-être des études mais juste pour le plaisir, sûrement pas pour en faire sa profession un jour. L‘entreprise familiale est destinée à son frère, son implication n’est même pas envisagée.
Aurore n’a pas dit son dernier mot. Se marier peut-être, mais uniquement avec ‘le grand amour’, faire des enfants soit, mais sans dévouer sa vie à son rôle de mère. Il n’y pas de place pour une femme comme elle à Nice, autant partir pour suivre ce grand amour aux accents américains enfin trouvé. Et elle part à la conquête de son nouveau destin dans un nouveau monde qui devrait lui ouvrir grands les bras, les portes, les possibilités.
Mais le destin d’une femme après la guerre n’est pas forcément lié à plus de liberté et d’émancipation de l’autre côté de l’océan. Hélas, la nature de certains hommes n’est pas meilleure sous un autre drapeau. Aurore travaille, elle réussit sa vie à plusieurs reprises, mais elle n’a pas la liberté qu’elle avait espéré trouver, pas l’amour dont elle avait rêvé, pas sa place, pas son monde. Elle sera toujours ailleurs, car l’ailleurs est désormais sa condition.
Les années passent, les personnes aussi, les chagrins se cumulent, l’amour donne une deuxième chance. Aurore est mère, mais elle ne veut pas s’arrêter à cette condition. La vie reprend avec ces possibilités, mais toujours avec une porte prête à se refermer à la moindre distraction.
Les luttes pour les droits des femmes éclatent, ce sont les années de Rosa Park avec le mouvement de libéralisation du peuple noir. En première ligne sur toutes ces batailles, Aurore oublie peut-être son rôle de mère, elle perde pied, elle laisse partir.
C’est un livre sur les cycles de la vie, de celle des femmes tout particulièrement dont le destin est toujours lié à une envie d’affirmation d’un côté, celle d’avoir un foyer de l’autre. Les générations se succèdent, mais les combats restent les mêmes, car je retrouve dans la vie de cette fille, puis jeune mère et puis femme âgée, les mêmes doutes, les mêmes luttes, la même constante recherche d’un faible, fragile équilibre entre exister pour soi et exister pour les autres.
La vie d’Aurore file, loin de certains êtres chers, près des autres qui ont pris leur place entre-temps, parfois loin d’elle-même, parfois complètement autocentrée. J’ai suivi les aventures de cette femme forte et pleine jusqu’au bout, mais je n’ai pas tout saisi à sa vie, à son rôle de mère vite résignée et effacée. Peut-être j’ai encore des années devant moi pour comprendre cette résignation face aux choix de nos enfants.
J’ai été cette jeune fille et jeune femme étrangère, sans plus ni patrie ni racines par moments, cette femme du monde, prête à accueillir en elle toutes les autres cultures et à faire de cet état de mixité et pluralité sa nouvelle nationalité.
Plus trop française, pas vraiment américaine, une femme à elle, tout simplement.