Mille petits riens
de Jodi Picoult
Je viens à peine de terminer ce magnifique roman, j’en ai encore les restes sur moi, je souris, je réfléchis en même temps. Ce roman n’est pas simplement beau, il est entrainant, déchirant, vibrant, humain et inhumain à la fois. Ce roman raconte la vie de tous les jours et celle des jours exceptionnels où tout bascule pour le bien ou pour le mal. Il raconte notre quotidien, et ce même quotidien tel qu’il est vécu par l’autre.
Tous ces petits riens de tous les jours, qui peuvent creuser des tranchées ou bien briser des chaînes.
Ruth est une sage-femme qui exerce avec dévotion et zèle son métier depuis 20 ans. Elle est aussi une mère présente et attentionnée qui élève seule son enfant. Elle est une femme intelligente et intègre qui a toujours excellé et brillé dans son parcours. Ruth est accusée de meurtre et homicide involontaire suite au décès d’un bébé dans son service, à l’hôpital où elle travaille.
Turk, le père du bébé décédé, est un suprématiste blanc qui ne cache pas ses idées ni son style de vie. Turk est déchiré par la mort de son bébé, il est un père à qui on a enlève sa raison d’être, il est habité par la haine et la colère. Turk est très amoureux de sa femme, il ferait tout pour les protéger, elle et leur bébé. Turk a tout perdu.
Kennedy est l’avocate de la défense publique qui prend en charge le procès de Ruth. Kennedy marche la tête haute bercée par ses idéaux de femme libre, ouverte et tolérante. Elle élève sa jolie fille dans l’amour et la bonne humeur avec son mari. Kennedy réalise tout au long du procès qu’elle se ment depuis toujours.
Parmi ces trois personnages, une différence dans leur peu : celle de Ruth est noire, celle de Kennedy est blanche et celle de Turk est tatouée.
Le roman se déroule autour de ces trois voix qui livrent la même histoire depuis leurs différents points de vue, leur différent type de peu. Chacun présente les épisodes à la lumière de son vécu, de ses propres convictions, de ses peurs et de ses aspirations. Chacun a ses démons cachés, ses vérités inconfessables même à soi-même.
C’est l’une des rares fois où j’ai dû à plusieurs reprises réprimer mon envie d’aller à la dernière page pour voir enfin si Ruth allait s’en sortit ou pas. Si le bien allait triompher ou pas. Si la vérité allait l’emporter sur les préjugés.
Oui, mais, il est où le bien ? Et puis, quelle vérité ? Celle d’une femme victime de racisme ? Celle d’une blanche confiante dans la loi ? Ou celle d’un père qui réclame justice pour son enfant ?
Ce qui m’aura entre autres appris ce livre est que nous sommes tous une couleur de peau différente pour quelqu’un d’autre et que nous pouvons tous, à un moment donné, agir pour maintenir le statu quo ou bien le renverser.
J’ai été Ruth plein de fois, en tant qu’italienne, en tant que napolitaine et en tant que femme aussi. J’ai écouté des phrases, j’ai subi des phrases, je ne me suis pas indignée car j’ai préféré sauver les apparences, sauver mon emploi, sauver une relation. J’ai avalé en silence, avec un sourire amer aux coins de mes lèvres, et j’ai laissé courir. Et j’ai parfois assisté en silence aux mots lancés à d’autres, dictés par d’autres préjuges. Parce que c’était plus simple que d’expliquer cette blessure, ce poids que l’on ressent quand on a été humilié, plus simple de se taire que d’ouvrir la bouche et en assumer les conséquences.
Et à chaque fois, j’ai été complice d’une injustice, complice de ‘racisme passif’, à chaque fois j’ai contribué moi aussi à faire en sorte que des fausses croyances s’installent dans des têtes, dans des lois, dans des publicités, dans des blagues…dans notre peu !
Ce livre nous apprend que, même dans des pays qui se veulent démocratiques et multi-ethniques, défenseurs des droits de l’homme, comme les Etats Unis ou la France, en réalité le chemin vers l’équité est encore long et ponctué de pièges.
Un livre à lire et à relire, pour ne pas oublier, pour ne pas lâcher le combat.
One Comment
Marie
Je le rajoute dans ma read list! Tu l’as tellement bien présenté que je vais le faire passer devant les autres!